Roadtrip dans la diagonale du vide

Roadtrip dans la diagonale du vide

Jour 1

Wikipedia dit que c’est péjoratif de dire ça car ce n’est qu’une question de faible densité de population. L’idée était de faire un voyage aussi dans le temps, en allant quelques personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps. J’avais donc quelques checkpoints mais sinon je planifiais à J-1 ou J-2 au maximum. Mon premier objectif se situait près de Limoges et à quatre heures de route de mon départ, se trouvait le Morvan qui m’était inconnu.

Je repère le lac des Settons avec une piste cyclable qui fait le tour. On est hors-saison, le lac a été vidangé, il fait moche et froid. Le coin fait penser à une station balnéaire désaffectée. Base nautique, toboggans, restaurants et hôtels. Tout est fermé. Il ne manque que les zombies et la fin du monde.

Le temps est couvert mais il ne peut pas, tout au plus quelques gouttes. L’après-midi, les choses se corsent. Du vent fort et de la pluie qui mouille. Même avec le vélo électrique ça devient galère. Mes gants mouillés se transforment en congélateur pour mains. J’essaie de voir s’il y a un décath pas loin mais il n’y a rien. La petite ville la plus proche est à 40 km (Autun) et la plus proche Décath à 70 km. Je mets le chauffage à fond dans la voiture, histoire de retrouver l’usage de mes mains. Heureusement j’ai pris mon équipement pour les environnements hostiles (pantalon imperméable, veste North Face, chapka). Malgré cela, j’arrive quand même à être mouillé à des endroits improbables.

Le ciel se découvre quelque peu. Je décide d’aller vers un second lac, celui de Pannecière. Sur la carte, ça n’a pas l’air loin mais c’est quand même trente minutes de routes serpentant dans une campagne inhabitée. Ce lac a aussi été vidangé. Il offre des paysages lunaires et découvre des souches immergées depuis des temps immémoriaux.

Le coucher de soleil baigne les environs dans une belle lumière. Les campings sont fermés, tout est désert.

Sur booking, j’ai trouvé une chambre d’hôtes qui a l’air un peu space (les propriétaires parlent danois ou anglais). La nuit est vite tombée et je suis perdu. Rien ne correspond, ni le nom du village, ni la rue, ni les coordonnées GPS. L’endroit est étrange. On dirait une très ancienne ferme rénovée plus ou moins bien suivant les pièces. Il y a deux chambres d’hôtes : une grande et une petite. J’occupe la petite. La salle de bain est à partager mais des affaires occupent déjà tout l’espace. C’est le couple d’à côté. Je les vois brièvement au salon, probablement des danois. On dirait qu’ils jouent à un jeu de cartes sur leurs PC portables.

La chambre est toute petite et il y a au moins cinq lampes mais aucune qui éclaire correctement.

Jour 2

Le p’tit déj est bien servi avec tout ce qu’il faut. La pièce principale semble sortir d’un autre siècle. Le plancher est en mauvais état, plein de cailloux. La décoration de la table détonne un peu.

Départ rapide pour Oradour-sur-Vayres du côté de Limoges. Encore une fois quatre heures de route. Ça passe rapidement grâce à des podcasts très intéressants comme celui avec Florie Marie, un temps impliquée dans le Parti Pirate. Elle explique que la démocratie actuelle n’est pas vraiment une démocratie et propose des alternatives originales.

https://podcast.ausha.co/le-diner-de-techo-n-s/florie-la-politique-du-choix

Oradour-sur-Vayres est un village (oui, pas loin d’Ouradour-sur-Glane mais je n’ai pas pris le temps de visiter). Le poto que je dois voir n’habite pas au centre du village mais dans un petit bourg au milieu de nulle part. Malgré les indications, je trouve quelques maisons qui ont toutes l’air en ruines. Une bétonnière gît là depuis sans doute plusieurs décades vu son état de décomposition avancée. Je m’enfonce dans la forêt avant de rebrousser chemin car il n’y a presque plus d’habitations. Je finis par prendre une route minuscule cachée entre deux grands bâtiments et je vois la twingo qui devait me servir de repère. Si l’extérieur est austère, l’intérieur a été rénové récemment et le résultat est très cosy. Par ce temps humide et froid, le poêle agit comme un aimant.

Victor collectionne les jouets, principalement des robots des années 80. Il fabrique aussi ses propres robots depuis quelques années. Ceux-ci ressemblent à des jouets mais on est plus proche de l’œuvre d’art. Au début modestes et relativement simples, ses créations sont devenues de plus en plus élaborées. Ah oui, Victor est également fan du cinéma viril des années 80.

Vers 16h, nous allons récupérer le pain. C’est le boulanger qui le vend directement depuis son fournil et il faut venir à une heure précise. Ici pas de boulangerie clinquante avec des vitrines remplies de viennoiseries mais l’entrée d’un atelier artisanal où chacun récupère ses miches.

Victor et sa compagne m’invitent à rester pour le dîner. Vive les pâtes au ketchup. Nous discutons cinéma surtout, j’essaie de retracer leur parcours que j’ai suivi depuis Facebook au long des années. Cela me donne l’étrange impression de les connaître sans les avoir rencontrés.

Pour le soir, j’ai réservé une chambre d’hôte à quelques kilomètres de là. C’est une grande demeure perdue dans la campagne. Au moins, on la repère bien. La dame qui m’accueille est une anglaise à la retraite parle parfaitement le français avec un léger accent. La chambre à l’étage est luxueuse. Propre, spacieuse avec un grand lit confortable. C’est mieux qu’à l’hôtel. Il y a tout ce qu’il faut : la bouilloire et du thé (forcément), des serviettes, du shampooing et du gel douche. Cependant, il manque quelque chose… Du papier toilette ! Je n’ose pas la déranger, me demandant si c’est voulu (chacun doit peut-être amener son propre PQ ).

Jour 2

Au p’tit déj, j’ouvre discrètement la porte de ce que j’imagine être une cuisine. La dame a l’air paniqué et me demande de refermer. Apparemment c’est à cause du chien qui peut attaquer. L’Anglaise me raconte un peu sa vie. Elle connaît l’Alsace car elle y a travaillé pour le compte d’une grosse boîte dans l’agro-alimentaire. Sa famille était francophile et elle a régulièrement été envoyée en France par le biais de l’école. Elle possède un petit centre équestre.

Mon étape suivante devait être Guérande mais le copain que je devais voir n’était finalement pas disponible. Je regarde la carte et je vois que je ne suis à moins de trois heures de La Rochelle. J’y suis déjà allé mais je ne me souviens plus quelle île j’ai déjà visitée ou pas. Je regarde vite fait l’île de Ré qui m’a l’air pas mal pour du cyclotourisme. Il y a un pont qui la relie à la terre ferme mais celui-ci fait apparemment peur aux cyclistes (beaucoup de vent, longue montée). Je décide alors de voir les hébergements sur l’île. A ma grand surprise, ce n’est pas très cher sans doute à cause de la saison. Je trouve un mobil home dans un camping pour moins de quarante euros. C’est tipar.

J’arrive à l’île de Ré au camping vers 12h. Le mobil home est déjà dispo. Je dépose juste les affaires et je pars à vélo. Il y a un itinéraire qui fait une partie de l’île. Le ciel est menaçant mais ça va. Enfin une fois que j’arrive assez loin, je me prends des tempêtes courtes mais violentes. Ça change très vite de beau ciel bleu à pluie qui fait mal au visage. Je finis par renoncer car même le vélo électrique a du mal. Le retour prend un autre chemin, par une citadelle Vauban, quelques petits ports, un abbaye, c’est sympathique. Je découvre un peu tardivement que j’ai programmé ma sortie vélo entre deux tempêtes, Ciaran et Domingos.

J’ai même vu des tumbleweeds :

Je vois aussi que l’île est plus grande que ce que je croyais. Elle est divisée en deux parties et je n’ai fait à vélo que la partie est. Je pensais pouvoir aller au bout du bout. Je vais voir le phare des Baleines en voiture. Il pleut et vente à fond. J’ai même l’impression que ça empire avec le fait d’être au bout de l’île. Le phare est accessible à ma grande surprise. Je croise quelques rares personnes en ciré. Bizarrement, il n’y a pas de parking pour les voitures, mais pour les bus oui ! En même temps, pas très grave, car il n’y a aucun véhicule. Il y a une ensemble de boutiques et de restaurants. Tout est fermé.

Je fais le tour de garde sur le front de mer. Le vent est plus fort que jamais, je m’accroche à mon portable. Je manque de tomber quelques fois. Le phare est majestueux.

La nuit, le mobil-home tangue sous les rafales de vent.

Jour 3

Tout est redevenu calme. J’essaie de trouver un marché pour acheter quelques souvenirs mais tout est fermé, peut-être à cause des intempéries. Il y a pas mal de branches et d’arbres par terre sur la route. Et puis de grosses averses parfois, les restes de la tempête. Je tente ma chance à La Rochelle mais c’est pas facile de se garer dans le centre. J’abandonne et je rejoins Saint-Laurent sur Sèvres pour y avoir un copain qui fait de la musique électronique et de la métallerie.

Une fois encore, l’endroit est bizarre. Le GPS me demande de traverser une île sur la Sèvres qui déborde. Mais il y a un portail fermé. Apparemment le passage est devenu privé mais google maps n’est pas au courant. Je dois faire un grand contournement. Mon pote me rejoint à pied. Il me montre son atelier, un grand bric-à-brac où il fabrique des couteaux. Il en a lui-même toute une collection. J’en apprends pas mal sur la fabrication, comme par exemple que l’on refroidit le métal avec de l’huile et pas avec de l’eau car ça le rend cassant. C’est intéressant, pas simple et surtout c’est assez long à faire au final.

Puis je file vers le Mans en écoutant le podcast « les couilles sur la table » qui a invité « Docteur Kpote », un homme qui fait de la prévention et de l’information dans des lycées. On y découvre que l’éducation des garçons est assez catastrophique et qu’il y a du boulot.

https://shows.acast.com/aa928f4a-8155-4b36-b190-4dfd32da8a84/65378bf59c713d00126260d6

J’ai pris un fasthotel pour quarante euros dans une zone commerciale du Mans. A ma grande surprise, c’est propre, confortable et calme. Il y a juste la salle de bains qui est exiguë. Et puis il y a ces fameux rideaux de douche qui, si tu les effleures, se collent complètement à ta peau en faisant un contact froid qu’on dirait que c’est la mort qui cherche à t’emporter.

Jour 4

Je fais un tour dans un magasin « terres et eaux », sorte de décathlon mais uniquement pour la pêche et la chasse. L’endroit est gigantesque et il y a un choix impressionnant.

Je dois être vers midi du côté de Plaisir dans les Yvelines. Après la diagonale du vide, on sent bien que l’on se rapproche de la capitale. La route est une succession de commerces parfois gigantesques. Sur le chemin, je vois un restaurant au nom original et avec un dessin représentant un cochon empalé. Ça attire mon œil de végétarien.

Bizarrement, je croiserai ce resto dans le film « La Syndicaliste » avec Isabelle Huppert. Le personnage y fait une brève escale. Inspirée de faits réels, il se trouve qu’une partie de l’histoire s’est vraiment déroulée dans les Yvelines. Synchronicité étrange mais logique finalement.

La personne que je vois est une amie que j’ai perdu de vue il y a très très très longtemps, environ vingt-cinq ans. Les retrouvailles sont forcément étranges, comme un saut dans le temps. Et finalement, nous n’avons pas fondamentalement changé. On prend un café au centre commercial démesuré d’à côté. Je fais le plein de Lindor aux saveurs étranges (popcorn, fraise, stracciatella, coco) dans la boutique Lindt. Le centre est plutôt désert.

C’est déjà le moment de penser au retour. Je regarde ce qu’il y a à mi-chemin sur la carte : Auxerre. Je ne connais pas trop et ça ne me fait pas rêver mais je repère une « voie verte », itinéraire cyclable. Pour terminer le séjour, je choisis un hôtel un peu cossu au centre-ville. L’Yonne traverse la ville et l’hôtel est situé à côté de la rivière, vraiment tout au centre. Pratique. Malgré un prix assez élevé, une enseigne célèbre, la chambre n’est pas à la hauteur. Elle se situe en face d’un local technique et près des cuisines. Bruits de porte, discussions dans le couloir, odeurs du restaurant, j’aurai droit à tout.

Jour 5

Je suis le cours d’eau vers le sud. On se retrouve rapidement dans la cambrousse. Puis je roule le long d’un canal. L’endroit est sympa mais sans plus. Vers midi, je suis de retour vers Auxerre, je visite à vélo la vieille ville qui est perchée sur une colline. La montée est rude et le quartier est une succession de ruelles étroites. Malheureusement je tombe sur une librairie qui a mis des goodies Ghibli partout dans sa vitrine. Tout est horriblement cher (apparemment c’est la licence qui veut ça) mais je repars quand même avec un coussin chat-bus.

Le matin, j’ai repéré quelques spots de pêche. Il y a des touches, un décroché. Pas de chance. Je repars, direction l’Alsace.Je fais une pause sur une aire d’Autoroute où il y a un mcdo. A l’intérieur : juste deux ou trois personnes. Les employés s’ennuient. Pourtant dehors il y a une foule de camions garés. Encore de la route, de nuit. Le retour paraît toujours plus long.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *